Génocide des Banyamulenge à Gatumba (Burundi) : 21 ans après, l’ombre persistante de la haine dans les Grands Lacs
- VOK
- Aug 13
- 3 min read

Gatumba (Burundi) – Le 13 août 2004, l’horreur s’est abattue sur un camp de réfugiés congolais installé à Gatumba, à quelques kilomètres de la frontière entre le Burundi et la République démocratique du Congo (RDC). Cette nuit-là, 166 civils – hommes, femmes, enfants – tous membres de la communauté Banyamulenge, une minorité tutsie congolaise, ont été massacrés à l’arme automatique et à la machette. Plus de 100 autres furent grièvement blessés.
Ils avaient fui les violences en RDC pour trouver refuge sous la protection des Nations Unies et de l’État burundais. Cette protection n’a pas empêché leur assassinat méthodique. Le groupe rebelle hutu burundais FNL (Forces Nationales de Libération) a revendiqué l’attaque. Des témoignages et enquêtes pointent également la complicité ou la participation de milices congolaises.
Une justice toujours absente, une impunité entretenue par les États
Vingt-et-un ans plus tard, aucun des principaux responsables n’a été jugé. Les condamnations verbales de la communauté internationale sont restées lettre morte. Pire encore, les régimes actuels de Félix Tshisekedi en RDC et d’Évariste Ndayishimiye au Burundi continuent de protéger, directement ou indirectement, certains des auteurs et complices de ce génocide.
Non seulement la justice n’a pas été rendue, mais ces deux gouvernements tolèrent – et parfois alimentent – un discours public empreint de haine ethnique contre les Banyamulenge et plus largement contre les populations rwandophones. Cette rhétorique, recyclée par des responsables politiques, des médias et des groupes armés, ravive la flamme de l’idéologie génocidaire.
Une idéologie meurtrière toujours vivante
Le génocide de Gatumba n’est pas un épisode isolé. Il s’inscrit dans une idéologie qui sévit depuis des décennies dans la région des Grands Lacs et qui vise particulièrement les Tutsi, les Banyamulenge et les Hema. Elle se nourrit de stigmatisations : « créatures de Satan », « étrangers », « envahisseurs » – des mots qui préparent les crimes.
Ces stéréotypes meurtriers, déjà au cœur du génocide contre les Tutsi au Rwanda en 1994, persistent et alimentent aujourd’hui encore des violences ciblées en RDC. Meurtres, déplacements forcés et discriminations systématiques continuent de frapper ces communautés, souvent avec la complicité active des autorités locales et nationales.
Le silence, complice du crime
À Goma, lors d’une récente commémoration, le sénateur Moïse Nyarugabo a rappelé : « Nous étions au Congo avant que le Congo ne soit là, avant que les hommes blancs ne soient là. Nous sommes obligés de vivre ensemble. » Ces paroles contrastent avec la stratégie politique actuelle qui, dans certains cercles officiels, efface l’identité des victimes pour minimiser le caractère ciblé de l’attaque.
À Kinshasa, l’invitation officielle à une cérémonie a ainsi choisi de parler simplement de « Congolais tués à Gatumba » plutôt que de nommer explicitement les Banyamulenge et de qualifier le crime de génocide. Un choix qui participe à la négation de la vérité historique et juridique.
Comme le disait Albert Camus, « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ».
Un appel au combat contre la haine
Les voix qui s’élèvent pour commémorer Gatumba en 2025 lancent un avertissement : tant que les idéologies qui ont conduit à ce massacre ne seront pas combattues et tant que les États continueront de protéger les bourreaux, les risques d’un nouveau bain de sang resteront élevés.
La société civile, les survivants et certains leaders politiques exigent :
* La reconnaissance officielle du génocide de Gatumba.
* La poursuite judiciaire des auteurs et de leurs commanditaires, y compris ceux qui les protègent.
* La protection effective des communautés menacées en RDC et dans les pays voisins.
* L’interdiction et la sanction des discours de haine et de la propagande ethno-nationaliste.
21 ans après, le devoir de mémoire
À l’heure où l’attention internationale se disperse, commémorer Gatumba n’est pas seulement un devoir envers les morts : c’est une obligation envers les vivants.
Car dans les collines du Sud-Kivu, dans les plaines de l’Ituri et jusque dans certaines grandes villes de RDC, la haine ethnique continue de tuer, souvent dans l’indifférence générale. Et tant que les victimes resteront invisibles, que les coupables dormiront tranquilles et que leurs protecteurs politiques conserveront le pouvoir, l’histoire de Gatumba risque de se répéter.
Souvenons-nous. Nommons les choses. Refusons la haine.
Par Christa Mongi Muhangi
Voice of KivuThe
Comments