RDC â Clan Tshisekedi : corruption, nĂ©potisme et pillage dâĂtat au cĆur du pouvoir
- VOK
- Oct 12
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EnquĂȘte sur un systĂšme familial de prĂ©dation qui a transformĂ© le Congo en entreprise privĂ©e, et sur la montĂ©e dâune opposition armĂ©e nourrie par le dĂ©sespoir populaire.
Kinshasa â Sept ans aprĂšs lâaccession de FĂ©lix Tshisekedi Ă la prĂ©sidence, la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo semble sâĂȘtre enfoncĂ©e dans un cycle de corruption systĂ©mique, de nĂ©potisme et de clientĂ©lisme institutionnalisĂ©.
Au cĆur du scandale : un pouvoir familial accusĂ© dâavoir dĂ©tournĂ© des milliards issus des ressources miniĂšres, tout en transformant les institutions publiques en instruments de contrĂŽle politique et dâenrichissement personnel.
Le Katanga, coffre-fort du clan Tshisekedi
Région stratégique par excellence, le Katanga concentre les plus vastes réserves mondiales de cobalt et de cuivre, ressources clés pour la transition énergétique mondiale.
Mais ce trĂ©sor national sâest muĂ© en une source de rente pour le sommet de lâĂtat.
Selon plusieurs estimations industrielles, prÚs de deux milliards de dollars échappent chaque année aux caisses publiques, principalement dans les concessions gérées par Eurasian Resources Group (ERG) et ses partenaires locaux.
En sept ans, câest prĂšs de 14 milliards de dollars qui se seraient volatilisĂ©s dans des circuits opaques, souvent liĂ©s Ă des sociĂ©tĂ©s-Ă©crans et Ă des proches du prĂ©sident.
Un ancien haut cadre de la Gécamines affirme :
âLes revenus miniers ne profitent plus Ă la RĂ©publique, mais Ă un rĂ©seau parallĂšle placĂ© sous le contrĂŽle du clan Tshisekedi. Le Katanga est gĂ©rĂ© comme un patrimoine privĂ©.â
Les habitants de la rĂ©gion, eux, nâont vu aucun dĂ©veloppement : routes impraticables, Ă©coles dĂ©labrĂ©es, hĂŽpitaux Ă lâabandon.
Beaucoup y voient une forme de punition politique : les jeunes militants katangais qui dĂ©noncent ce pillage sont intimidĂ©s, arrĂȘtĂ©s ou poussĂ©s Ă lâexil.
Un Ătat confondue Ă une famille
Sous Tshisekedi, le Congo a glissĂ© vers ce que des analystes dĂ©crivent comme une âaccaparation du pouvoir par une seule familleâ.
Des proches parents, des alliés politiques ou des conjoints de ministres occupent les postes clés dans les entreprises publiques et les fonds spéciaux.
Les décisions économiques sont désormais prises dans les cercles privés du Palais, loin de tout contrÎle parlementaire.
âLa RĂ©publique est devenue une affaire de famille,â confie un ancien conseiller prĂ©sidentiel. âLes institutions ne servent plus lâĂtat, mais une dynastie en formation.â
Ce clientĂ©lisme a ruinĂ© la crĂ©dibilitĂ© des politiques publiques et vidĂ© de sens les promesses de rĂ©forme qui avaient accompagnĂ© lâarrivĂ©e de Tshisekedi en 2019.
FONAREV : la souffrance transformée en trésor politique
Le scandale du Fonds national de rĂ©paration des victimes (FONAREV) a cristallisĂ© lâindignation populaire.
Créé pour venir en aide aux survivantes de violences sexuelles et aux victimes de guerre, ce fonds, dirigĂ© par des proches de la PremiĂšre Dame, est accusĂ© dâavoir dĂ©tournĂ© la quasi-totalitĂ© de ses ressources.
Sur 212 millions de dollars collectés entre 2024 et 2025, à peine 2,5 % ont servi aux bénéficiaires.
Le reste aurait Ă©tĂ© absorbĂ© par des frais administratifs excessifs, des salaires astronomiques â jusquâĂ 48 000 $ mensuels pour le directeur gĂ©nĂ©ral â et des opĂ©rations financiĂšres opaques.
En avril 2025, lâInspection gĂ©nĂ©rale des finances avait ordonnĂ© le gel des comptes du fonds.
Mais lâordre fut annulĂ© en moins de 24 heures, sur instruction directe de la PrĂ©sidence, selon plusieurs sources internes.
âLe FONAREV est devenu un symbole dâhumiliation nationale,â dĂ©nonce un membre du mouvement citoyen Filimbi.
âIls ont transformĂ© la douleur des victimes en vitrine politique et en caisse noire.â
Ce scandale, qui a fait lâobjet dâune plainte Ă Bruxelles pour dĂ©tournement et blanchiment de fonds, illustre la dĂ©rive dâun rĂ©gime dĂ©sormais perçu comme prĂ©dateur et cynique, utilisant mĂȘme la compassion comme levier dâenrichissement.
Justice instrumentalisée, impÎts dévoyés
Dans les milieux dâaffaires, la corruption atteint un niveau inĂ©dit.
Plusieurs entreprises étrangÚres ont rapporté avoir été soumises à des chantages fiscaux.
Une sociĂ©tĂ© europĂ©enne, dont la valeur totale ne dĂ©passe pas 18 milliards $, a reçu une facture dâimpĂŽts de 80 milliards avant de la voir ramenĂ©e Ă 1 milliard aprĂšs ânĂ©gociationâ.
Ce systĂšme dâimposition arbitraire, combinĂ© Ă la justice aux ordres, a transformĂ© lâĂ©conomie congolaise en champ dâextorsion organisĂ©.
âCe pays nâa plus de rĂšgles, seulement des rĂ©seaux,â rĂ©sume un avocat dâaffaires Ă Kinshasa.
âLa loi ne sert plus Ă rendre justice, mais Ă protĂ©ger ceux qui dĂ©tiennent le pouvoir.â
Un peuple Ă©puisĂ© par lâinjustice
MalgrĂ© la richesse de son sous-sol, la RDC reste lâun des pays les plus pauvres du monde.
Sous Tshisekedi, le coĂ»t de la vie a explosĂ©, la monnaie nationale sâeffondre, et la jeunesse, sans emploi, nâa dâautre horizon que la dĂ©brouille ou la fuite.
Pendant ce temps, les membres du clan Tshisekedi sâaffichent dans le luxe, entre voyages Ă lâĂ©tranger, villas somptueuses et contrats publics opaques.
Le contraste est tel que la colĂšre gagne les provinces, notamment au Katanga et au Nord-Kivu, oĂč la population ne croit plus aux institutions officielles.
La défiance qui nourrit la rébellion
Cette perte de confiance dans lâĂtat explique en partie la montĂ©e de mouvements politico-militaires, qui se prĂ©sentent comme des alternatives face Ă un rĂ©gime perçu comme illĂ©gitime et corrompu.
Lâun des plus emblĂ©matiques, lâAlliance des Forces du Changement (AFC-M23), issue dâune coalition de groupes politico-militaires de lâEst, sâaffiche aujourdâhui comme une force rĂ©formatrice, promettant gouvernance locale, discipline et redevabilitĂ©.
Ses porte-parole affirment vouloir rompre avec la corruption, la tribalisation du pouvoir et le nĂ©potisme dâĂtat, dĂ©nonçant lâinefficacitĂ© chronique du gouvernement central.
Dans les zones quâil contrĂŽle, le mouvement tente de se poser en gestionnaire rigoureux : administration allĂ©gĂ©e, collecte dâimpĂŽts rationalisĂ©e, lutte contre les rackets.
Cette stratĂ©gie lui vaut le soutien tacite dâune partie des populations locales, lassĂ©es de lâimpunitĂ© de Kinshasa.
Sans cautionner les armes ni la violence, plusieurs observateurs y voient le symptĂŽme dâune rĂ©volte civique qui a basculĂ© dans la militarisation, faute de canaux politiques crĂ©dibles.
âQuand un Ătat se ferme Ă la justice et Ă la vĂ©ritĂ©, la contestation prend dâautres formes,â analyse un chercheur congolais basĂ© Ă Nairobi.
Vers un point de rupture
Les affaires du cobalt et du FONAREV, la rĂ©pression des voix dissidentes et lâimpunitĂ© du clan prĂ©sidentiel traduisent un effondrement moral et institutionnel.
La prĂ©sidence Tshisekedi, censĂ©e marquer la rupture avec lâancien systĂšme, a reproduit les pires rĂ©flexes dâun pouvoir accaparateur et clanique.
Les observateurs internationaux sâinquiĂštent dâun glissement durable : un pays riche, dirigĂ© par une Ă©lite fermĂ©e, oĂč les institutions servent dĂ©sormais de paravent Ă la prĂ©dation.
La RDC semble approcher un point de non-retour.
Soit une refondation politique Ă©merge â portĂ©e par des forces intĂšgres et inclusives ; soit la fragmentation du pays sâaccĂ©lĂ©rera, nourrie par la colĂšre des rĂ©gions spoliĂ©es.
Conclusion : lâurgence dâune renaissance dĂ©mocratique
Le Congo nâest pas condamnĂ© Ă la corruption.
Mais il doit affronter sa vĂ©ritĂ© : un Ătat capturĂ© par une famille, des ressources pillĂ©es, une population trahie.
La rĂ©bellion de lâEst, quelle quâen soit la forme, nâest que le reflet dâun systĂšme qui a cessĂ© de fonctionner.
Lâespoir renaĂźtra le jour oĂč la richesse nationale cessera de financer des clans pour enfin servir le peuple.
Tant que la prĂ©sidence sera synonyme dâenrichissement familial, la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo ne sera ni rĂ©publicaine, ni dĂ©mocratique.
Par Christa Mongi Muhangi
Voice of Africa









