Quand l’expertise dérape : une lecture politique du rapport du Groupe d’experts de l’ONU sur la RDC
- VOK
- Jul 8
- 2 min read
(Basé sur l’analyse de Bojana Coulibaly publiée dans Conspiracy Tracker Great Lakes)

Le récent rapport du Groupe d’experts des Nations unies sur la République Démocratique du Congo (RDC) suscite de vives critiques pour sa partialité flagrante, ses omissions troublantes et ses conséquences dangereuses sur la paix et la sécurité régionales. Comme le souligne l’analyste Bojana Coulibaly dans Conspiracy Tracker Great Lakes, le rapport trahit la mission d’impartialité qui devrait guider tout travail onusien, en adoptant une grille de lecture politique qui inverse les rôles entre victimes et bourreaux.
Dès la publication du rapport – dont la fuite dans les médias semble avoir été soigneusement orchestrée – plusieurs observateurs ont dénoncé un agenda politique clair: diaboliser certains acteurs, tout en blanchissant ou minimisant les crimes d’autres, souvent alliés de l’État congolais. Le rapport accuse les groupes armés comme le M23 de violences, tout en passant sous silence les abus documentés des FARDC, du FDLR (un groupe génocidaire pourtant sanctionné par l’ONU), ou encore des forces burundaises impliquées dans le conflit.
Coulibaly attire l’attention sur une tendance alarmante dans le document : celle de présenter le gouvernement congolais comme victime réclamant de l’aide internationale, tandis que le M23 et le Rwanda sont systématiquement décrits comme des « menaces existentielles ». Ce traitement simpliste et déséquilibré alimente un récit qui sert davantage une stratégie étatique qu’une recherche sincère de paix.
Pire encore, le rapport ignore délibérément la souffrance persistante des Tutsi congolais et des Banyamulenge, populations historiquement marginalisées, déplacées, et souvent prises pour cible. Les allégations non fondées de « recrutement forcé », d’« instrumentalisation des violences », ou encore d’« intensification des conflits suite aux avancées du M23 » ne font que renforcer la stigmatisation de ces communautés déjà vulnérables. Cette approche n’est pas seulement irresponsable — elle est dangereuse.
Sur le plan des recommandations, le rapport démontre une partialité manifeste. Il appelle à la cantonnement du M23, sans proposer de mesures concrètes contre les violences étatiques ou l’usage de groupes armés proscrits comme le FDLR. Cette posture sélective sape la légitimité même du Groupe d’experts et alimente la perception selon laquelle l’ONU agit moins comme médiateur impartial que comme acteur politique aligné.
Pour Coulibaly, cette dérive s’inscrit dans une longue tradition de tropes coloniaux où l’État central est vu comme garant de la souveraineté, même lorsqu’il s’allie à des milices génocidaires, tandis que les mouvements issus de minorités sont systématiquement criminalisés. Cette lecture exclut toute complexité, ignore les causes profondes du conflit, et compromet les chances d’une paix juste et durable dans la région.
Il est temps que les Nations unies se regardent en face. En publiant des rapports politisés, dépourvus de rigueur contextuelle, et en ignorant des décennies de souffrances tues, l’institution mine sa propre crédibilité. Le peuple congolais mérite mieux qu’un récit binaire dicté par des impératifs géopolitiques.
L’analyse de Bojana Coulibaly offre une lecture salutaire de ce que devient « l’expertise » lorsque la vérité est sacrifiée sur l’autel de la diplomatie sélective. La RDC n’a pas besoin de rapports qui entretiennent l’impunité — elle a besoin de justice, d’inclusivité, et de lucidité.
Par Christa Mongi Muhangi
Voice of Kivu
Comments