Esquisse de l’entretien du porte-parole de l’armée burundaise, Gaspard Baratuza, à la radio BBC Gahuza Miryango sur le siège des villages des Banyamulenge par son armée.
- VOK

- Nov 13
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Bien qu’imprégnée d’un cynisme digne des guerriers du Moyen Âge, l’interview du tout-puissant porte-parole de l’armée burundaise FDNB confirme ce que nous dénonçons depuis longtemps : le blocus des zones habitées par les Banyamulenge pour les affamer et les massacrer, les persécutions du type Holodomor – les famines orchestrées par Joseph Staline, entre 1931 et 1933 en Ukraine.
1. Une leçon de géographie
Le général Gaspard Baratuza dit que l’armée burundaise n’est pas à Minembwe, mais il confirme à la BBC que l’armée burundaise se trouve au Point Zéro. Ici, il y a une contradiction. Il devrait peut-être dire que l’armée burundaise ne se trouve pas au centre de Minembwe, car le Point Zéro se situe au-dessus des villages de Kalingi et de Bidegu (c’est-à-dire au Nord-Ouest de Minembwe). Ces localités se trouvent dans les périphéries du centre de Minembwe. Pour aider le général Baratuza, c’est comme s’il disait que le nord de Kamenge n’est pas Bujumbura. Minembwe est aussi une représentation symbolique et politique de toutes les terres ancestrales de Minembwe. Si les populations Banyamulenge condamnent l’armée burundaise, c’est en raison de ses actes, de crimes de guerre sur l’ensemble des territoires Banyamulenge, car un blocus dans l’un a un impact direct sur l’autre.
2. Rappel au général Baratuza sur les déploiements de l’armée burundaise
L’armée burundaise dispose de plus de 70 positions tout au long des hauts plateaux de Fizi, Mwenga et Uvira (la terre ancestrale des Banyamulenge). Elle conduit ses opérations derrière les milices Wazalendo, l’armée congolaise et les FDLR. Elle soutient également des positions autour de Minembwe : Kicura, Babengwa, Kabanju, Musika, Mwibumba, Mulima et Kipupu. Toutes ces positions se trouvent à moins de 25 km de Minembwe. En soutenant des milices, l’armée burundaise devrait assumer qu’elle est présente, par alliance, partout où ses alliés opèrent.
Le général Baratuza ne nie pas, dans son interview, le déploiement de l’armée burundaise à Mikalati, Mutendja et Kigazura, toutes situées autour de Mikenke, à la sortie de la zone de Minembwe. Les déclarations du général Baratuza relèvent d’une manipulation de ceux qui ne maîtrisent pas les domaines géographiques et sécuritaires.
3. Blocus humanitaire pour justifier une menace sécuritaire contre Bujumbura
Le général Baratuza suggère que la population de Minembwe ne devrait pas manifester contre l’armée burundaise, car « à Murambya, à Majembwe et à Kuwumugeti, les Banyamulenge sont en sécurité et libres de circuler ». Nous sommes, ici, dans le territoire d’Uvira, plus au nord de Minembwe, dans le groupement de Bijombo. Effectivement, ces villages se situent dans une zone entièrement contrôlée par l’armée burundaise et les FARDC, comme le confirme le général Baratuza. C’est là que ces Burundais ont récemment assassiné le jeune Singaye Marebo, fils de Byichaza, petit-fils de Marebo. Les Banyamulenge vivant sous contrôle de ce trio criminel -armée burundaise, FARDC, Wazalendo - n’ont pas le droit de se déplacer. Ils sont soumis régulièrement à un contrôle « policier », font l’objet d’attaques et de demandes de rançon. Ils vivent dans un ghetto. (Annexe : photo des jeunes Banyamulenge entassés dans un trou à Murambya.) À Murambya, il y a quelques familles (rescapées de plusieurs tueries et d’actes de déracinement) qui sont encerclées par votre armée. Pour Kuwumugeti, la situation est la même que pour Murambya.
4. Les Banyamulenge de Minembwe doivent être punis, selon lui
Le général Baratuza affirme que son armée prive les Banyamulenge de Minembwe de nourriture parce qu’ils « vivent avec l’ennemi ». Le général Baratuza confirme que le blocus humanitaire est imposé au Point Zéro et justifie que l’armée burundaise ne peut en aucun cas tolérer le passage, par le Point Zéro, des populations qui veulent s’approvisionner en vivres « parce qu’elles vivent avec les ennemis à Minembwe ».
A. Clairement, si le Point Zéro est un lieu où l’on bloque les circulations à la sortie de Minembwe, cela signifie que l’armée burundaise est bel et bien à Minembwe.
B. Général Baratuza, qui sont les « ennemis » à Minembwe ? Vous parlez des Twirwaneho, qui défendent leur communauté menacée d’extinction ? Les Twirwaneho ont communiqué sans cesse avec vos représentants sur la supposée présence de rebelles burundais dans les hauts plateaux d’Itombwe. Ensemble, sur le terrain comme dans votre capitale, il y a eu une conclusion à la non-présence de vos ennemis dans le territoire des Banyamulenge.
C. Vous confirmez qu’à Minembwe se trouvent des combattants du Front national de libération (FNL) et de Resistance pour un Etat de Droit (Red Tabara). Vous vous souvenez que les FNL sont responsables du massacre de Gatumba, dont les victimes étaient des Banyamulenge. Ce partenariat entre les Banyamulenge et les FNL est improbable.
D. Quant aux Red Tabara, la seule fois où l’armée burundaise a été en confrontation avec eux, c’était dans le bastion de Mai Mai à Masango. Ce sont les Twirwaneho qui ont commandé les opérations auxquelles votre armée était associée. Red Tabara est souvent en partenariat ou en confrontation avec les Maï-Maï Biloze Bishambuke de Ngoma Nzito, un groupe soutenu par l’armée burundaise. Il n’existe ni Red Tabara ni FNL à Minembwe. Ne punissez pas des femmes et des enfants pour la prétendue présence de vos rebelles dans ces milieux. Vous avez déjà montré aux Banyamulenge combien vous tuez et vous vous justifiez ensuite.
E. Vous évoquez également la présence du M23 à Minembwe. Pourtant, l’armée burundaise a déployé 12 000 militaires au Nord-Kivu pour combattre le M23 ; pourquoi n’a-t-elle pas encore résolu ce problème depuis le Nord-Kivu au lieu de s’attaquer aux citoyens Banyamulenge ? Vous perdez la bataille au Nord-Kivu et vous voulez vous venger au Sud-Kivu ?
5. Incompréhension de la géostratégie militaire
Le général Baratuza suggère que le Point Zéro est la sortie vers Uvira et donc une menace sécuritaire pour Bujumbura. Pourtant, le Point Zéro se trouve à plus de 250 km d’Uvira. Pour que les Twirwaneho puissent atteindre le lac Tanganyika et Bujumbura en passant par le Point Zéro, il faudrait traverser plusieurs localités des moyens plateaux : Kanguli, Kilumbi, Kabembwe et Nundu, puis disposer de moyens logistiques sophistiqués pour traverser le lac Tanganyika et atteindre le Burundi par Rumonge, puis Bugarama, Muhuta, Gitaza, Kabezi, Nyabiraba et enfin Bujumbura.
Dans le cas où les Twirwaneho passeraient par la localité de Nundu vers Uvira puis Bujumbura, ils devraient traverser les zones situées le long du lac Tanganyika : Mboko, Makobola, Kigongo, Kalundu, Uvira, Kavinvira, puis Bujumbura. Pour ceux qui connaissent cette partie du Sud-Kivu, il est facile de comprendre que la persécution des Banyamulenge par l’armée burundaise n’a rien à voir avec des menaces sécuritaires. Qu’iraient chercher les Banyamulenge à Bujumbura ?
6. Ce que le porte-parole de l'armée du Burundi n'a pas dit
Ils encerclent tout Minembwe. Ils encerclent tout Bijombo. Ils encerclent tout Rurambo. Entre ces trois entités, les Banyamulenge vivent dans ces trois ghettos et n'ont pas le droit de circuler et d'échanges. Ils subissent un: blocus économique, blocus social/humanitaire et blocus cultuel (cultes religieux).
Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. Dites simplement que les Banyamulenge sont majoritairement Tutsi et que votre régime ne les supporte pas. Vous les associez au Rwanda, un pays que vous jugez ennemi, et au pouvoir de Kigali que vous envisagez de renverser depuis les hauts plateaux d’Itombwe.
Par Alex Mvuka

















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